Giacomo Corneo, Le capitalisme a-t-il fait son temps ?
Extrait
Préface
Le capitalisme n’est pas aimé. Il en a été ainsi dès ses débuts et c’est toujours le cas. Corrélativement, le groupe de ses partisans enthousiastes ne forme presque toujours et presque partout qu’une petite minorité. Ni la France ni l’Allemagne d’aujourd’hui ne font exception de ce point de vue : à en croire des sondages récents, moins de la moitié de la population est d’avis que l’économie de marché est le meilleur système économique possible. Si l’on remplace le terme « économie de marché » par celui de « capitalisme », les sondages indiquent un taux encore plus faible de réponses favorables à l’ordre économique actuel.
Pourtant, même s’il est évident que le capitalisme n’est pas aimé, la représentation que ses critiques se font d’un système économique alternatif est tout aussi nébuleuse. En réalité, c’est là un fait étonnant, car l’humanité réfléchit depuis longtemps à cette question des systèmes économiques. Il en a résulté des projets détaillés d’organisation de la production et de la consommation à l’échelle de la société, afin que les hommes puissent mener une bonne vie.
La question de ce livre peut, par conséquent, être formulée comme suit : existe-t-il une alternative au capitalisme qui soit meilleure que les autres et, si oui, à quoi pourrait-elle donc ressembler ?
Pour répondre à cette question, je vous invite à un tour d’horizon idéal des alternatives les plus prometteuses qui aient été conçues : de l’État idéal de Platon aux propositions les plus récentes de revenu universel sans condition, d’héritage social et de socialisme du marché des actions. Nous commencerons par décrire les règles de chaque système économique alternatif et les passerons en revue pour déterminer si elles seraient susceptibles de donner de meilleurs résultats que le capitalisme sous sa forme actuelle. Le système d’économie sociale de marché — le système économique de l’Allemagne et d’autres pays d’Europe continentale — nous servira ici de point de comparaison.
Notons bien que ce que je souhaite présenter dans ce livre ne relève pas de l’histoire des idées. Il s’agit bien davantage de faire droit au désir d’un système économique humain, juste et efficient. Ce désir recèle, à l’état latent, un potentiel colossal d’énergie pour la société. Afin qu’il puisse déboucher sur des actes politiques raisonnables et fructueux, une confrontation rationnelle et sans préjugés avec les meilleures alternatives au système actuel actuellement disponibles est nécessaire. Mon objectif premier sera par conséquent de mettre en lumière la logique interne des projets les plus intéressants afin de pouvoir évaluer sur un mode réflexif leur pertinence économique. Ainsi, la cohérence de ces projets et les conséquences à attendre de leur éventuelle réalisation seront placées au premier plan. Au final, ce voyage à la découverte de systèmes économiques différents permettra de déterminer dans quel cadre une vie par delà l’économie sociale de marché est réellement possible.
Un voyage à l’étranger est toujours aussi un voyage à la découverte de soi-même. De la même façon, la comparaison des systèmes crée une perspective à partir de laquelle on peut mieux appréhender le système actuel. Cette comparaison nous apprend comment il fonctionne, où se situent ses limites et quelles potentialités non encore épuisées il recèle. C’est aussi le propos de ce livre : la comparaison avec des systèmes économiques alternatifs doit mettre au jour les mesures qui permettront à l’économie sociale de marché de se développer en un système plus humain, plus juste et plus efficient.
Ce livre s’adresse à un large public et sa lecture ne présuppose donc pas de connaissances spécialisées en sciences économiques. J’ai cherché à présenter d’une manière compréhensible par tout un chacun une approche de la question des systèmes qui soit un apport de l’analyse économique, sans pour autant sacrifier la rigueur de l’argumentation. Le lecteur intéressé pourra approfondir les questions traitées dans chaque chapitre grâce aux références indiquées dans les notes à la fin du livre.